Ce sujet, traité par deux universitaires, nous fait entrer dans le monde merveilleux de la psychiatrie militaire française, en retard par rapport aux autres pays européens, et de son rôle durant 1914-1918.
Comment les hommes entrent-ils dans la folie, même parfois sans avoir combattu ? Étaient-ils déjà des psychotiques, des débiles, des alcooliques ou des syphilitiques ? Ce sont des victimes d’un nouveau genre, sont-ils réellement malades ou des simulateurs pour éviter les tranchées ? Les lieux de prise en charge étaient-ils adaptés à leur pathologie ? Devaient-ils être suivis par des aliénistes, des neurologues ou des psychiatres ? Ces 400 pages nous montrent l’incompétence, les errements et les balbutiements de la psychiatrie militaire, avec des pratiques peu innovantes, qui conduisirent malheureusement de trop nombreux hommes devant le peloton d’exécution. Durant cette période, la psychiatrie a fait beaucoup moins de progrès que dans le domaine chirurgical !
Combien de soldats et même de civils ont été touchés, dont les effets pour les survivants ont perduré jusqu’à la deuxième grande boucherie ?
Des témoignages de proches ou des malades eux-mêmes nous interpellent tragiquement. Toutes ces maladies dues à la guerre sont maintenant reconnues.
Nous avons l’exemple d’Eugène Bouret (27 ans), mobilisé dans l’artillerie, soufflé par l’explosion d’un obus, le 29 août 1914, en état de démence par commotion cérébrale, constatée par le médecin de son régiment. Il s’égare en direction du poste de secours et erre à l’arrière du front. Arrêté, puis jugé par un conseil de guerre, il sera fusillé le 7 septembre pour abandon de poste devant l’ennemi. Il a été réhabilité en 1917…
Roger Guerault
Stéphane Tison, Hervé Guillemain, Du front à l’asile, 1914-1918, Alma éditeur.