Louis Lecoin, grâce à sa ténacité, avait réussi à arracher, au général de Gaulle, le statut des objecteurs de conscience.
À soixante-quatorze ans, il avait mis sa vie en jeu dans une grève de la faim (du 1er au 22 juin 1962), qui aurait pu mal se finir. Il le savait. Sa décision avait été prise. Rien n’aurait pu l’arrêter, sauf « sa victoire » qui, évidemment, était la victoire de tous ceux qui refusent l’uniforme, le port des armes et l’encasernement tant physique que mental.
Lecoin était entouré d’ami(e)s aussi tenaces que lui, qui alimentaient sa volonté de lutter.
Mehmet Tarhan, s’il faut faire des comparaisons, c’est un Louis Lecoin.
Sa détermination est la même.
Rien ne peut l’ébranler.
MALHEUREUSEMENT sept personnes seulement se sont déplacées le vendredi 9 décembre, devant l’ambassade de Turquie à Paris, dans le cadre de la Journée internationale des droits de l’homme, pour réclamer la libération de Mehmet. Cela ne permet pas de dire que le soutien, que l’on se doit d’exprimer, est aussi exemplaire que celui dont bénéficiait Louis Lecoin. Heureusement que dans d’autres villes d’Occident cette journée a rencontré plus de succès.
Nous tenons à souligner l’importance pour Mehmet de cette campagne internationale, coordonnée par l’Internationale des résistants à la guerre (www. wri-irg.org), car, comme Louis Lecoin, il peut arracher à la Turquie le droit à l’objection de conscience.
Sa vie est en jeu. L’administration de la prison militaire de Sivas n’est pas composée d’enfants de chœur. Le rapport de forces engagé par Mehmet peut à tout moment basculer du mauvais côté. Il a déjà passé trop de temps derrière les barreaux.
Il traverse, ainsi que sa famille, de rudes épreuves au seul motif qu’il refuse d’effectuer un service militaire et qu’il n’accepte aucune autre solution (qui n’existe pas en Turquie) à la conscription.
Non au droit de tuer !
La moindre des solidarités, pour nous, pacifistes et antimilitaristes, est de faire entendre notre voix à l’unisson de celle de Mehmet et de revendiquer haut et fort :
la fin des tortures mentales et physiques qui lui sont infligées,
la reconnaissance par la Turquie du droit d’objecter à l’armée,
l’abolition de la définition par l’armée turque de l’homosexualité comme une maladie, qui requiert un examen rectal et des « preuves » visuelles.
Alors continuons d’envoyer des cartes postales de soutien à Mehmet, des lettres de protestations aux autorités turques, des courriels à l’ambassade de Turquie en France (apparemment, le 9 décembre leur adresse électronique était bloquée).
Notre voix reste trop souvent silencieuse, bâillonnée : il est temps de crier que nous ne voulons plus d’un monde régenté par les armes, les militaires, les lois liberticides... Donnons de l’écho à celle de Mehmet, qui prend de gros risques avec sa propre vie.
Ne nous contentons pas de recevoir un journal, agissons... dès aujourd’hui !
Sylvie