À propos du Coran

Quand les journalistes ont du talent, c’est bien emmerdant pour les pauvres besogneux qui croyaient avoir trouvé une idée pas comme les autres ! Ainsi, le mercredi 8 février 2006, le numéro spécial de Charlie Hebdo rendait caduque et dérisoire toute tentative d’aborder la question des caricatures de Mahomet ! Et là, je vous le dis tout net : vous tous qui participez à cet hebdomadaire, vous êtes des salopards ! Vous m’avez enlevé toute mon inspiration ! Toute possibilité de raisonnement ! Passe encore pour les dessinateurs, je ne sais pas tenir un crayon ! Alors pour Cabu, Tignous ou Wolinski (je ne peux pas tous les citer, ces salauds-là sont tous bons !), je n’ai pas de haine !

Mais quand même, des hommes comblés par la vie, blanchis sous le harnois, comme Cavanna, vous règlent la question définitivement en deux colonnes ! Et les gonzesses s’en mêlent, je ne voudrais pas apparaître comme un sale macho, mais enfin, Caroline (Fourest, comme Georges au fait ?) voilà qu’elle écrit mieux que les mecs, qui sont pourtant de sacrées plumes ! Même des enfants comme Patrick Pelloux se permettent des raisonnements d’une rigueur imparable ! J’ai pu vérifier, sur le terrain. J’ai acheté Charlie Hebdo au point H d’une clinique du 14e arrondissement de Paris. C’était la ruée !

Quartier « urologie », des octogénaires mécréants et incroyablement prostatiques se jetaient sur le prodigieux hebdo, se bousculaient, se faufilaient en tremblotant vers le présentoir. Plusieurs se sont bagarré. Comme des jeunes ! Une vieille dame, pas du tout indigne, poussait son compagnon dans un petit chariot, et l’ancien ricanait diaboliquement en hurlant : « C’est dur d’être aimé par des cons ! »

Ce n’était pas de la joie, mais de la jubilation, au moins. Et là, je te dis mon cher Cabu : « Jean tu ne devrais pas faire ça ! »

Parce que moi aussi j’y étais au quartier des prostatiques, et j’avais un Charlie sous chaque aileron ! Pour attendrir mes bourreaux ! Mais plus je jubilais, plus ça me faisait mal ! Et plus ça me faisait mal, moins j’avais envie d’écrire ! Forcément ! Alors j’ai pensé aux grands ancêtres, à Louis Lecoin, à Raymond Rageau, à Thérèse Collet !

Raymond me disait toujours avec ce rire difficilement imitable que je situe entre Pierre Dac et Jacques Tati : « Je vais me faire triturer l’œil de bronze ! »

L’œil de bronze, tiens ce serait pas une idée, par hasard ? En rentrant chez moi, j’ai ouvert le Coran, qui est mon livre de chevet depuis plus de soixante ans. Et j’ai trouvé ! Je traduis en français du centre de la France, parce qu’on n’est pas très nombreux à décrypter l’arabe littéraire.

L’œil de bronze, c’est bien une idée et voici ma révélation. On ne peut pas représenter le prophète, soit ! Mais il y a des morceaux qu’on a le droit d’utiliser ! On peut, en fait, le dessiner ou le décrire, mais en pièces détachées. Et à condition de choisir, évidemment, les « bons morceaux », ceux qui ne sont pas sacrés.

Ici, je préviens les âmes sensibles et les hommes de goût qui ont joué un si beau rôle dans cette affaire, en portant des jugements dédaigneux pour les dessinateurs danois. Hommes de goût, comme M. de Villepin, cette lecture n’est pas pour vous !

Elle est destinée au vulgaire. Aux gens de mauvais goût. À ceux qui ne craignent ni Rabelais, ni Céline, ni Molière, ni Vallès, ni personne parmi les écrivains.

Car les écrivains écrivent et on n’est pas obligé de les lire. Leurs phrases, c’est de la dynamite parfois, mais c’est à usage cérébral. Ça ne fait pas de sang qui dégouline aux faits divers. Ça ne massacre qu’avec des mots comme Siné, l’incorrigible, dans Siné massacre (très mauvais jeu de mots ! je le laisse exprès, pour faire chier les gens bien élevés !).

Et donc, dans le Coran, il y a une phrase très importante que je traduis. « Frère, tu ne représenteras pas le Prophète, sauf les couilles et la bite, à la rigueur les poils du cul. »

Je suis sincèrement désolé de l’apparente vulgarité de ces termes, qui donnent de la religion musulmane (et des autres !) une image peu ragoûtante. Et pourtant, c’est la Vérité !

Je peux même avancer une explication théologique simple à comprendre. Il me faut une comparaison. La voilà. Quand un catholique fait sa prière, il se met à genoux devant le prêtre, position dont on voit tout de suite les avantages !

Alors le prêtre se fait longuement sucer l’hostie, en pensant aux ennemis qu’il va dégommer tout à l’heure, avec ses bombardiers bénis par les meilleurs archevêques !

Eh bien, pour Mahomet, c’est un peu différent question rituel. Le musulman en prière étend d’abord son tapis sur le sol, dirige son visage vers La Mecque et entreprend de montrer son cul, qu’il relève et rabaisse, harmonieusement, longuement, dans un lent mouvement mystique, empreint d’une douceur inimitable. Cette douceur avec laquelle il lancera les bombes sur la gueule des athées !

Et c’est là que vous êtes autorisés à dessiner, à décrire, cette partie du corps du prophète ! L’œil de bronze est parfaitement autorisé ! Et les couilles du prophète ne sont pas sacrées du tout ! ni les poils pubiens !

Eh bien, voilà du travail en perspective pour les anticléricaux primaires qui savent dessiner les mystères du sacré et qui sont, parce que c’est la même chose, des antimilitaristes élémentaires.

Des pacifistes bêlants, selon la formule traditionnelle. Allez-y mes frères, dessinez, décrivez, la religion, c’est du vent !

Et en plus le résultat de la digestion du prophète, eh bien c’est de la merde, et rien de plus. Comme pour tout le monde.

Rolland Hénault