Hiroshima
Les gouvernements de tous les pays détruisent les archives qui contredisent leurs discours officiels : bombarder apporte la fin de la guerre, disent-ils. Cependant, les scènes de ruines et les monceaux de cadavres prouvent amplement le contraire.
Le matin du 6 août 1945, à 8 h 16, deux gros porteurs de l’armée américaine traversent le ciel d’Hiroshima : une bombe spéciale est larguée, dégageant une énorme énergie dans un temps extrêmement bref, très précisément sur la ville.
Bilan
Le nuage atomique provoque une dévastation totale. 170 000 morts en à peine quelques secondes. Cette estimation chiffrée grimpe à plus de 260 000 au début des années 1950, en incluant les victimes des radiations, connues à cette époque-là.
Les ruines du dôme de la Bourse du commerce d’Hiroshima se détachent dans ce panorama lunaire : elles vont servir de barre d’échelle physique et symbolique à cette catastrophe préméditée par des militaires et qui marquera à jamais l’histoire de l’humanité.
Cette bombe atomique a tout détruit sur 12,5 km², soufflant et brûlant 90 % des bâtiments de la ville. Un tiers d’Hiroshima a été entièrement rasé et le reste endommagé. Cette cité est devenue le symbole du discours sur lui-même, doloriste et pathétique, par les autorités successives du Japon.
En 1994, le gouvernement publiait un bilan faisant état de 186 940 morts pour Hiroshima et de 102 275 pour Nagasaki. Dérision des chiffres aussi précis 49 ans après ? Surtout que la méthode de recensement repose sur des déclarations verbales additionnées…
Ce problème de statistique macabre est le même pour toutes les villes détruites par des bombes militaires : Dresde, Berlin, Stalingrad, Caen, etc.
Avant la deuxième guerre mondiale, la population du Japon était estimée à 72 millions d’habitants. 2 300 000 militaires ont péri dans le conflit, pour environ 800 000 civils. Parallèlement, près de 9 millions de personnes ont été blessées et/ou sinistrées.
La première mission américaine sur Hiroshima date du 3 septembre 1945. Elle renseignera les généraux sur les destructions matérielles et les symptômes cliniques subis par cette « cible ».
Hiroshima avait été choisie par le Pentagone avec Nagasaki, car bombarder ces deux ports devait éviter de raser Tôkyô (où de mars à mai 1945 des bombes incendiaires avaient causé environ 100 000 morts, car la majorité des maisons étaient en bois et papier).
Contrairement à la vision qui s’est développée de catastrophe inimaginable, le largage de ces bombes d’une puissance inégalée a été perpétré afin de stimuler l’imagination des Japonais sur un pire toujours possible. Erreur militaire supplémentaire, car les témoins se sont trouvés dans l’incapacité absolue de s’adapter à un tel choc !
Le 26 juillet 1945, à Postdam, une réunion des États-Unis, Royaume-Uni et Chine (l’URSS n’y assistait pas et envahira même les îles Kouriles en septembre 1945) exigeait, de l’empereur du Japon, sous peine de destruction complète des armées et de dévastation totale du sol :
« La reddition sans conditions de toutes les forces armées japonaises,
La suppression de tous les obstacles au renouveau et au renforcement des courants démocratiques présents dans le peuple japonais,
L’occupation du Japon par une force militaire qui se retirera dès que le pays aura achevé sa transformation démocratique. »
Après la « réussite scientifique et technologique » de la maîtrise par les Américains de la fission nucléaire, le 16 juillet au Nouveau-Mexique, les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki induisaient un sentiment de satisfaction chez les généraux possesseurs de l’arme atomique.
Ces « exploits » militaires restent abstraits, car ces monstrueuses tragédies n’ont jamais été véritablement montrées si ce n’est de façon nébuleuse.
Certes, la temporalité des bombardements atomiques constitue un évènement fulgurant, aux conséquences traumatiques variées, inouïes et qui se prolongent dans la durée. Des dizaines de milliers de personnes ont été foudroyées au moment du flash, mais d’autres ont été meurtries par le flux et le reflux des ondes de choc ou brûlées dans les incendies, sans parler des victimes de la radioactivité à court, moyen et long terme.
À Hiroshima, les montres se sont arrêtées à 8 h 15, et à 11 h 02 à Nagasaki. Là, le 9 août 1945, la déflagration d’une bombe au plutonium larguée à 500 m d’altitude a ôté en un instant la vie à 73 800 humains et en a blessé 76 700. 11 500 maisons ont été brûlées et 6 800 détruites. Malgré la crédibilité relative de ces données, force est de constater que tous les quartiers de la ville (commerçants ou résidentiels) ont été dévastés sur un rayon de 2,5 km autour du point d’impact. La cruauté de cet évènement reste indescriptible.
Auparavant, les B29 américains avaient lâché 160 000 tonnes de bombes conventionnelles ou incendiaires (à essence ou au phosphore) sur le sol du Japon, détruisant 40 % des zones bâties des villes touchées.
En dehors des villes, seules les îles du Sud furent le théâtre de combats violents (Iwojima et Okinawa transformés en champs de pierre et de boue).
Albert Louvrier